Terrence Malick inscrit une bouleversante évocation de l’enfance dans une méditation cosmique sur la création du monde et le sens de l’existence. Une ambition immense, récompensée d’une Palme d’or qui a divisé la critique. 

 

Architecte à succès, marié et père d’un enfant, Jack, la cinquantaine, semble las de l’existence. Plus fortes et plus vivantes que son morne présent, les images de son enfance à Waco, Texas, dans les années 1950, lui reviennent. Le voici enfant, aîné rebelle et taciturne de trois gar- çons, jouant dans la lumière radieuse de l’été. L’ordre règne dans leur grande maison ouverte sur la nature. L’amour infini de leur mère, pieuse jeune femme à la beauté diaphane, les protège, et leur jeune premier de père, habité par une foi rigoriste, incarne la loi. Un jour, cet inflexible chef de famille ne pourra plus cacher en lui-même la faiblesse qu’il cherche obsessionnellement à éradiquer chez ses fils, dont le cadet, le plus doux, le plus artiste, mourra brutalement à l'âge de 19 ans. Mais la perte de l’enfance et de ceux qui l’ont peuplée enveloppe d’un même halo, irréel et déchirant, le grain de ces jours enfuis, bonheurs et douleurs mêlés.

 

RÉSONANCES

 

En 2011, à Cannes, The tree of life a déchaîné les passions, entre acclamations et huées, avant même de se voir décerner la Palme d’or. La controverse a notamment pris pour cible le long prologue cosmique du film, qui convoque le big bang et la création du monde, avec planètes et dinosaures, au son du requiem de Berlioz. Vision boursouflée d’un mégalomane qui aurait fini, dans sa solitude, par se prendre pour Dieu lui-même ? Ou tentative la plus aboutie d’un artiste épris d’absolu, cherchant depuis toujours à approcher par les moyens du cinéma le mystère de notre présence au monde ? Que l’on accepte ou pas de suivre jusqu’au bout Terrence Malick dans la méditation cosmique à laquelle il nous convie, on ne peut rester insensible à son extraordinaire évocation de l’enfance. Avec le renfort d’une équipe en état de grâce (décorateur, chef opérateur, comédiens adultes et enfants), il parvient, presque à chaque plan, à faire résonner en nous les sensations et les émotions les plus enfouies de ses personnages. De la fugacité des instants qu’il fait magiquement palpiter à l’infiniment grand de l’univers, son ambition, démesurée, est de trouver le point d’attache entre les existences humaines et l’immensité du vivant. La beauté de son film reste, elle, indiscutable. 

 

 

 

Film de Terrence Malick (États-Unis, 2011, 2h13mn) Scénario : Terrence Malick - Avec : Brad Pitt (Mr. O’Brien), Jessica Chastain (Mrs. O’Brien), Sean Penn (Jack adulte), Hunter McCracken (Jack enfant), Laramie Eppler (R. L.), Tye Sheridan (Steve), Fiona Shaw (la grand-mère) - Image : Emmanuel Lubezki - Décors : Jack Fisk - Montage : Hank Corwin, Jay Rabinowitz - Musique : Alexandre Desplat - Production : Cottonwood Pictures, River Road Entertainment, Brace Cove Productions, Plan B Entertainment