Interview Carole Bouquet, Première Dame
Qu’est-ce qui vous a attirée dans le rôle d’Élisabeth Marjorie ?
Le personnage était très bien écrit, indépendamment de l’aspect politique qui est extrêmement juste, passionnant à jouer. Non parce que c’est la femme du président, mais pour ce qu’elle est à ce moment de sa vie : une avocate avec une forte identité contrainte d’arrêter de travailler, pour aider son mari à accéder au pouvoir. Elle est engoncée dans ce costume trop étroit qui ne lui va pas du tout. Élisabeth est alcoolique, maniaco-dépressive… Mais pourquoi ce rôle pour moi ? La productrice m’a répondu : « Toutes les femmes le sont plus ou moins après 50 ans ! » C’est vrai, c’est un moment dans la vie où on est plus ou moins bousculé, et si on ne se sent pas à la bonne place, on peut perdre pied. On croit qu’on est beaucoup plus fort avec le temps qui passe. Je pense, au contraire, qu’on a une conscience plus aiguë du temps qui nous reste et qu’on est beaucoup plus fragile.
Comment entre-t-on dans la peau d’une première dame ?
Moi, je suis comme elle, je n’en voudrais pour rien au monde ! Je m’en suis fait une idée : suivre un homme que j’aimerais à un endroit où moi je n’ai pas envie d’aller. Élisabeth Marjorie le fait par amour parce qu’elle est tombée amoureuse d’Alain Marjorie bien avant qu’il n’arrive au pouvoir. Elle renonce à son propre destin pour le suivre. Le renoncement est très féminin, et dangereux. Cela s’ajoute à sa crise d’identité. Elle n’a jamais voulu être à cette place. Ce n’est pas sa nature. C’est pour ça qu’elle souffre. Je peux donc imaginer qu’elle puisse en arriver jusque-là : ne pas aimer être en représentation, essayer de le faire et tomber.
Quelle vision a-t-elle du pouvoir ?
Le pouvoir ne l’éblouit pas du tout et sa proximité est difficile à vivre. Elle n’a aucun espace de liberté : la pression médiatique est énorme, chaque parole est interprétée… Élisabeth Marjorie n’a d’obligation de représentation que par rapport à son époux, le président. La raison d’État a du sens pour lui puisqu’il pense être responsable du destin d’un pays et se retrouve parfois obligé de prendre des décisions qui sont contre son identité profonde. Elle n’est pas comme ça, et je la comprends. Elle se retire plutôt que de se confronter, jusqu’au moment où elle en devient maniaco-dépressive. Elle y arrivait et elle n’y arrive plus. Beaucoup de femmes qu’on a empêchées de faire ce qu’elles voulaient, qu’on a contraintes à renoncer, en souffrent tellement qu’elles en tombent malades. Je ne connais pas la raison profonde de la maladie d’Élisabeth Marjorie, mais elle peut venir de ça !
Les crises que traverse le pouvoir sont parfois troublantes de résonance avec l’actualité…
Ce qui était amusant, c’est que ça parle de ce qu’est réellement la politique. Ce n’est pas de la fiction ! On est même en deçà de la réalité : pendant qu’on tournait, il s’est passé des choses similaires qui sont devenues de vrais scandales !
Comment définiriez-vous le rôle de Simon Kapita ?
Régulièrement, on est tous abasourdis de ce qui peut échapper de la bouche des ministres, quel que soit le gouvernement. Et on se dit : à quoi servent ces équipes de communicants autour d’eux ? Simon Kapita a compris assez rapidement que la première dame n’était pas vraiment gérable. Le pouvoir isole, mais il a compris qu’il pouvait parler à Élisabeth Marjorie, même s’il ne peut pas lui demander certaines choses. Là réside son efficacité.
Un dernier mot sur votre relation de jeu avec Nicolas Marié et Bruno Wolkowitch ?
On a beaucoup ri. Il faut s’amuser ensemble, même si on raconte des choses dramatiques. Il faut avoir du plaisir à tourner avec l’autre, il faut pouvoir se parler, se regarder, jouer avec quelqu’un… C’est l’immense différence avec la femme du président qui, elle, ne veut pas jouer !
Propos recueillis par Anne-Laure Fournier
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"Les Hommes de l'ombre, saison 2"
Tous les mercredis à 20h50
à partir du 1er Octobre
Plutôt qu'un (long) article, découvrez en avant première les coulisses de la série, racontées par les principaux intéressés...
Interview Nicolas Marié, dans la peau du Président
Pourquoi ce personnage vous a-t-il attiré ?
C’est toujours intéressant d’entrer dans la peau des hommes politiques. L’intérêt de cette série, surtout dans la deuxième saison, est d’aborder l’intimité des hommes politiques, un thème qu’on a rarement osé traiter en France, contrairement aux États-Unis ou ailleurs en Europe, notamment par le biais de la série Borgen. Avec Les Hommes de l’ombre, on entre dans la vie privée de ces hommes, on prend la mesure du poids de leurs responsabilités. On découvre leurs failles et comment leur vie personnelle influe sur leur vie professionnelle, et inversement…
À vos côtés, le soir des élections, on découvre deux femmes : la vôtre (Carole Bouquet) et la future secrétaire générale de l’Élysée (Aure Atika). Comment les présenteriez-vous ?
Mon épouse, jouée par Carole Bouquet, est une femme complexe, difficile à gérer et qui a du mal à accepter certaines blessures, mais je l’aime. Et quand on aime, on pardonne beaucoup de choses… Elle navigue à 180 degrés dans les états d’âme – c’est une femme bipolaire. Carole Bouquet l’incarne merveilleusement bien.
Le personnage d’Aure Atika, la secrétaire générale, est différent : elle est la spécialiste, l’experte, une femme à qui l’on confie des responsabilités habituellement réservées aux hommes dans le monde politique. Elle incarne une femme intelligente, extrêmement brillante qui gère l’Élysée. C’est aussi une célibataire, très décidée, qui prend sa carrière en main, avec des fragilités aussi…
Quelle relation Alain Marjorie entretient-il avec sa femme ?
Il y a un jeu d’équilibre permanent entre les deux?! Au-delà des problèmes sérieux que lui pose sa femme, cette dernière a finalement un côté très équilibrant pour lui. Car dans les moments où lui est en position délicate, elle tient le coup et surprend ceux qui ne l’en croient pas capable… Dans ce monde si impitoyable de la politique, s’appuyer sur un socle solide est bien plus important pour lui que les difficultés que vivent tous les couples. Alors ils restent ensemble. C’est un couple qui s’aime, même si c’est parfois compliqué.
Dès le premier épisode, votre personnage parle du début des compromissions : « On ment pour protéger les siens et on ment ensuite parce qu’on a déjà menti. » Qui est Alain Marjorie ?
Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est un mec bien ! Bien sûr, ces types sont tous calculateurs?: pour être là où ils en sont, il a fallu qu’ils louvoient beaucoup. Le président que j’incarne est plutôt, au départ, droit et honnête. Puis la difficulté des responsabilités, les rencontres et les accidents de la vie, la nécessité du compromis le poussent parfois à des comportements… discutables. Entre le compromis et la compromission, il y a une frange très délicate à gérer. Justement, la série pose la question : jusqu’où peut-on aller ou ne pas aller ? Et met en évidence un panel de personnages : certains qui n’ont aucun scrupule et dépassent la limite sans problème, et d’autres qui conservent une certaine éthique, parfois par pur intérêt personnel. Ceux-là sont confrontés à des choix très difficiles…
Propos recueillis par Anne-Laure Fournier